Cecill, et après ?
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Le CEA, le CNRS et l’INRIA ont élaboré la premiÚre licence qui définit les principes d’utilisation et de diffusion des logiciels libres en conformité avec le droit francais. Cette licence intitulée CeCILL (Ce:CEA ; C:Cnrs ; I:INRIA ; LL:Logiciel Libre) a été publiée en juillet 2004. En quelques semaines, on en a beaucoup entendu parlé et depuis, plus rien...
Le site officiel semble ne plus avoir évolué depuis août 2004 et force est de constater que la licence n’a pas soulevé l’enthousiasme des auteurs : 5 logiciels cités au début semblent n’avoir jamais été rejoints par la moindre application.
Et pour cause ! En examinant la Cecill, on peut se poser quelques questions.
langue française
Les rédacteurs présentent la licence comme une nécessité pour se conformer au Droit français.
Effectivement le respect de la langue française est une obligation pour les administrations dans tous leurs contrats. Or la licence GNU GPL est en anglais. Sa traduction française précise que seule la version anglaise a valeur juridique ce qui la rend incompatible avec la loi TOUBON. Cette phrase, pourtant destinée à assurer un socle juridique stable est ici particulièrement destructrice. Il n’est pas certain que l’apport bénéfique hypothétique de cette limitation justifie le risque (bien réel) de voir la GPL invalidée pour les administrations françaises.
Sur ce point, Cecill est effectivement bien utile.
limitation de responsabilité
Alors que la GPL prévoit un fonctionnement aux risques et périls de l’utilisateur, la Cecill prévoit une responsabilité de l’auteur.
Son article 8.1 rappelle le droit français, à savoir la possibilité de demander réparation pour un préjudice subi. Ensuite, Cecill prévoit toute une palette de restrictions à cette responsabilité générale.
En fait, le risque pour la GPL est que la clause "à vos risques" soit balayée par l’article L.132-1 du Code de la consommation qui déclare nulles ces clauses trop défavorables à l’utilisateur lorsqu’il est un "consommateur" ou non professionnel [1].
Cecill rappelle la loi puis sépare les différentes responsabilités pour les réfuter une à une. Ce faisant, il n’est pas certain que cela ait une réelle différence de portée. L’addition des article 8.2, 9.2 et 9.3 de la Cecill balaie toutes les responsabilités de l’auteur pour les écarter ce qui n’est pas bien différent.
D’ailleurs la lecture de la recommandation 95-02 de la commission des clauses abusives est éloquente. La Cecill pourrait-elle être analysée comme abusive au regard des clauses n° 2, 3, 4 et 5 de cette recommandation ?
tribunal compétent : Paris
La Cecill prévoit la compétence du Tribunal de Paris. Dans le paragraphe précédent, les auteurs de Cecill se sont appuyés notamment sur l’article L132-1 du code de la consommation pour justifier une autre rédaction des responsabilités de l’auteur mais c’est ce même article qui interdit de limiter ou entraver les voies de recours, donc d’imposer un tribunal et un lieu... Et ça ne date pas d’hier. En effet, toujours cette fameuse recommandation de 1995 (95-02), la dernière clause (clause abusive n°8) ne dit pas autre chose :
"De déroger aux règles de compétence territoriale ou d’attribution des juridictions."
Brevets logiciels ?
L’article 5 de la Cecill précise :
"Par ailleurs, le Concédant concède au Licencié à titre gracieux les droits d’exploitation du ou des brevets qu’il détient sur tout ou partie des inventions implémentées dans le Logiciel."
Hmmm... A ce jour et en droit français, les brevets logiciels restent inopposables. Le droit d’auteur, gratuit, automatique et en partie incessible reste le fondement du droit du logiciel. Pourtant cette phrase pourrait bien être à double tranchant si l’auteur en pose le principe et admet de s’y conformer.
compatibilité avec la GPL
La Cecill affirme sa compatibilité avec la GPL dans le sens où elle permet le basculement en GPL. La réciproque n’est pas vraie (elle n’est pas citée par gnu.org comme compatible).
Conclusion
La Cecill répond effectivement au besoin propre de leurs auteurs et plus généralement des administrations françaises pour la plupart des logiciels professionnels. Pour autant, elle n’a pas le caractère universel qu’elle aurait pu atteindre.
Il subsiste des interrogations qui nécessiteraient pour le moins quelques explications ou modifications afin qu’elle soit utilisée en dehors du champ administratif ou pour des logiciels "grand public". Alors vivement la version 1.1 !
[1] En matière de protection économique du consommateur, un professionnel peut parfois bénéficier de la protection due au consommateur lorsque il agit en dehors de son domaine d’activité et que l’objet ne contribue pas à son chiffre d’affaire.
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